Prologue (2015)

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1 Écoute, ô mon fils, les préceptes du maître
et incline l'oreille de ton cœur ;
reçois volontiers les conseils d'un tendre père,
et mets-les en pratique,1 Écoute, ô mon fils, les préceptes du maître
et incline l'oreille de ton cœur ;
reçois volontiers les conseils d'un tendre père,
et mets-les en pratique,
Ctaire RB Prol. 1
En plaçant en tête de sa règle, cette initiation à l’écoute, Benoît nous engage à un travail, un travail spirituel celui-là. Il engage le moine à cultiver, à travailler sa manière d’écouter… pour quitter une attitude de “non écoute”, de désobéissance paresseuse.
C’est difficile d’écouter. C’est coûteux car cela nous décentre de nous-mêmes.
« Écoute » retentit comme un appel à découvrir la réalité et entrer vraiment en relation. Et cet appel retentit sans cesse à nos oreilles que nous ayons 20, 30, 50 ou 90 ans, car la tentation est là toujours de se murer en soi-même. Et la voix qui nous lance cet appel est « la voix d’un père qui nous aime ». C’est la voix de la Règle, c’est la voix du Christ dans l’Évangile. C’est la voix du Père qui nous aime tellement qu’il ne veut pas nous laisser dépérir dans notre isolement mortel….
Comme nous le chantons, il ne cesse de nous interpeller de façon pathétique : « Écoute, je t’adjure ô mon peuple, vas-tu m’écouter Israël… mais mon peuple n’a pas écouté ma voix…Ah si mon peuple m’écoutait, Israël s’il allait sur mes chemins, aussitôt j’humilierais ses ennemis… Je le nourrirais de la fleur du froment » (Ps 80)
1 Écoute, ô mon fils, les préceptes du maître
et incline l'oreille de ton cœur ;
reçois volontiers les conseils d'un tendre père,
et mets-les en pratique,
2 afin que le labeur de l'obéissance
te ramène à celui dont t'avait éloigné
la lâcheté de la désobéissance.
Ctaire RB Prol. 1-2
Hier, nous avons lu le premier verset du Prologue de la Règle où Benoît nous invitait à « écouter » et à « tendre l’oreille de notre cœur ».
Aujourd’hui, il nous invite à « obéir » car étymologiquement, « écouter » et « obéir », ont la même racine. Benoît nous invitait à « écouter l’enseignement du Maître » et à « accepter les conseils d’un père qui t’aime », sans préciser qui est ce Maître et qui est ce Père.
Dans la Règle du Maître, ce Maître et ce Père, c’est l’Abbé. Pour Benoît, c’est le Christ en personne auquel il convient d’obéir et à lui seul ; c’est le Christ qui nous conduit à Dieu le Père un peu à la manière du fils aîné lorsque le père est absent de la maison. Cependant, dans la Règle, le Christ prend le visage de l’Abbé et parfois aussi celui des frères. Il est donc difficile d’obéir au Christ comme moine bénédictin en refusant les médiations qu’il nous donne, en particulier celle de l’Abbé ou du Prieur.
Cette obéissance, Benoît nous dit aujourd’hui que c’est un travail, un labeur. Parfois l’obéissance nous semble faire violence à notre liberté, à notre dignité, à notre indépendance ; en fait, c’est tout le contraire qui s’opère : elle nous rend à nous-mêmes, elle déploie en nous notre humanité et notre condition de Fils de Dieu ; elle nous permet de « revenir à Dieu » dit Benoît, c’est-à-dire qu’elle restaure en nous notre être baptismal. Elle nous restaure dans notre dignité.
Cette obéissance, dit enfin Benoît est le fait d’hommes courageux. Il faut du courage pour obéir dit Benoît alors que la désobéissance est une paresse et une lâcheté. Parfois, il peut nous sembler que dire « non » est courageux car j’ai osé m’opposer à l’Abbé ! En fait, c’est là le fait d’une attitude adolescente alors que l’obéissance oblige à se dépasser, à se surpasser en entrant dans une démarche d’abandon et de foi qui, peu à peu, nous transforme et nous purifie.
Demandons cette grâce au Seigneur car l’obéissance est belle, elle rend libre mais elle n’est pas toujours humainement facile ! Elle est cependant le secret du bonheur dans la vie monastique et fait avancer spirituellement à pas de géants.
3 C'est donc à toi, qui que tu sois, que je m’adresse maintenant,
toi qui, renonçant à tes volontés propres,
prends en main les très puissantes et nobles armes de l'obéissance
pour militer sous le vrai Roi, le Christ Seigneur.
Ctaire RB Prol. 3
Ce verset 3 s’adresse à chacun de nous (qui que tu sois). La Règle, la vie monastique bénédictine ne s’adresse pas à une élite mais au tout-venant, à n’importe qui, donc à moi aussi. Il ne faudra donc pas s’étonner de retrouver au monastère le tout-venant, le microcosme de l’humanité, non pas des gens triés au volet en fonction de critères intellectuels, sociaux ou nationaux, mais la même diversité que dans le monde.
À deux reprises, Benoit emploie ce terme de « qui que tu sois » (quisquis)dans sa Règle : ici, au Prologue et tout à la fin, au chapitre 73, lorsqu’il écrira : « Qui que tu sois qui te hâte vers la patrie céleste, pratique jusqu’au bout, avec l’aide du Christ, cette tout petite Règle pour débutants ».
Au verset 3 du Prologue, Benoît nous dit que la seule solution pour vivre ensemble dans nos diversités, c’est de renoncer à nos volontés propres, c’est-à-dire d’obéir non pas à nous-mêmes mais au Christ. L’obéissance est une arme très forte et très belle plus forte et plus belle que celles que construisent les hommes pour s’entredétruire et s’entretuer lorsqu’ils n’acceptent pas leurs différences et sont incapables de vivre avec ceux qui sont différents.
C’est en obéissant au Christ plutôt qu’à nous-mêmes que nous devenons capables de nous aimer dans nos différences et que nous faisons l’expérience que le vrai Seigneur et le vrai Roi, ce n’est pas moi, ni mes idées, ni mon peuple d’origine, ni mon leader politique, mais le Christ et que le peuple véritable auquel j’appartiens vraiment ce sont les frères de ma communauté. Sans obéissance, il n’y pas de communauté, il n’y a qu’une juxtaposition de quisquis, d’individualités, avec l’obéissance au Christ et le renoncement au caractère absolu de mes idées il y a une communauté qui apparaît, c’est-à-dire un peuple de frères.
4 Et d'abord,
demande‑lui par une très instante prière
de mener lui‑même à bonne fin
tout bien que tu entreprendras.
5 Ainsi celui qui a daigné nous compter déjà parmi ses fils
n'aura pas, un jour, à s'attrister de nos mauvaises actions.
6 Car, en tout temps, il nous faut consacrer à son service
les dons qu'il a mis en nous,
afin que non seulement le père offensé
n'ait pas à déshériter un jour ses enfants,
7 mais encore que, tel un maître redoutable,
irrité par nos mauvaises actions,
il n'ait pas à nous livrer au châtiment éternel,
comme de misérables serviteurs
qui n'auraient pas voulu le suivre jusqu’à la gloire.
Ctaire RB Prol. 4-7
Comment savoir si je fais la volonté de Dieu ou ma volonté propre ? L’obéissance nous aide beaucoup en cela car elle nous détache de nous-mêmes comme nous l’avons vu hier et nous apprend progressivement à ne pas nous placer au centre de tout.
Mais, dans la vie monastique, il ne suffit pas de commencer, il faut aller jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la mort. Il faut tenir toute une vie et il arrive qu’une vie dure longtemps. Nous devons demander à Dieu chaque jour cette grâce de la persévérance.
Pour cela, il y a deux choses, tout d’abord la modération.
La vie bénédictine ressemble plus à un marathon de 50 kms qu’à un 100 mètres. Lorsque des coureurs veulent faire un 100 mètres, tout est dans le départ où ils lancent toutes leurs forces, toutes leurs énergies ; en revanche, si je cours 50 kms, je sais que cela va durer. Alors, je pars doucement et j’essaye de trouver un rythme qui conviendra à mon cœur et à ma respiration afin d’arriver au bout du marathon. Plutôt que de gagner, il s’agit de tenir ; beaucoup n’y arriveront pas et la victoire réside ici dans la capacité à la modération, trouver son rythme pour tenir.
Le deuxième élément est de consacrer au service de Dieu les dons qu’il a mis en nous (v. 6). Si je garde les dons de Dieu pour moi et mon propre épanouissement, je ne tiendrai pas dans la vie monastique ou, si je tiens, ce sera à la force du poignet et pas dans le bonheur. C’est Dieu qui m’a donné des dons car il est mon Père et qu’il m’aime et que je suis son Fils ; si je refuse de servir Dieu et mes frères avec ces dons alors je ne le considère plus comme un Père, mais comme un Maître redoutable nous dit Benoît. Qui a envie de servir un Maître redoutable toute sa vie ? Personne. La persévérance est vraiment liée au don de soi, à un don total mais vécu dans le respect de la Règle pour éviter de perdre ses forces intérieures et de ne pas arriver au bout. Le don de soi selon la Règle canalise nos énergies et place le moine au service du Christ et non pas des choses à faire.
8 Levons‑nous donc, enfin,
à la voix de l'Écriture qui nous stimule en disant :
Voici l'heure pour nous de sortir du sommeil.
9 Les yeux ouverts à la lumière de Dieu
et les oreilles attentives,
écoutons cet avertissement divin
que nous adresse chaque jour la voix qui nous crie :
10 Aujourd'hui, si vous entendez sa voix,
n'allez pas endurcir vos cœurs ;
11 et encore :
Que celui qui a des oreilles pour entendre
écoute ce que l'Esprit dit aux Églises.
12 Et que dit‑il ?
Venez, mes fils, écoutez‑moi :
je vous enseignerai la crainte du Seigneur.
13 Courez, pendant que vous avez la lumière de vie,
de peur que les ténèbres de la mort ne vous saisissent.
Ctaire RB Prol. 8-13
Après avoir parlé de l’écoute, de l’obéissance, de la persévérance et de la nécessité de mettre nos dons au service de Dieu et de nos frères, Benoît lance un appel qui ressemble à un ordre « Levons-nous donc enfin une bonne fois ! »
La vie monastique n’est pas un somnifère spirituel, quelque chose doit bouger dans nos vies et nous devons nous convertir. Benoît prend appui sur la Parole de Dieu et sur saint Paul (Ro 13, 11) : « C’est le moment de sortir du sommeil ! »
Sortir du sommeil pour Benoît c’est faire sa Lectio et écouter la Parole de Dieu qui tous les jours nous crie : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, ne fermez pas votre cœur ! » (Ps 94,8).
Lectio divina et conversion vont de pair. Si je n’écoute pas chaque jour la Parole de Dieu, comment pourrai-je entendre le cri de mes frères ou les demandes de mon Prieur ?
C’est dans la Lectio divina que chaque jour le Seigneur transforme nos cœurs de pierre en cœur de chair, qu’il nous humanise et nous divinise en même temps car il met dans nos cœurs ses propres sentiments envers le Père et envers nos frères.
Comme hôtelier, j’ai fait l’expérience des centaines de fois d’hôtes qui arrivent au monastère avec un poids énorme sur le cœur et ils disent en arrivant : « Mon Père, aidez-moi, donnez-moi des conseils ». Dans ce cas, je préfère leur dire ceci : déposez votre souci, votre souffrance au pied du Saint-Sacrement et lisez l’Évangile de Luc tout doucement. Faites-le 2 ou 3 fois par jour, au moins trente minutes. Dites-vous que le Seigneur vous invite chez lui, dans sa maison pour 4 ou 5 jours. Pensez à lui uniquement et ne remuez pas vos soucis, essayez au moins.
Au bout de quelques jours, lorsque la personne fait le point sur sa retraite, elle ne parle plus de ses problèmes, elle parle des merveilles que le Seigneur lui a montré en particulier son amour et sa miséricorde.
En repartant, elle retrouve ses problèmes bien-sûr, mais ils sont transformés par la présence du Seigneur et par son amour. Elle découvre la vérité du texte de l’Évangile : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau et moi je referai vos forces. Mon joug est facile à porter et mon fardeau léger ».
Nous avons une chance immense car, chaque jour, et pas seulement quelques jours par an, il nous est donné de faire l’expérience de la Lectio divina. Ne passons pas à côté de ce cadeau de Dieu. Cette Heure est sacrée, ne la prenons pas pour autre chose que pour lire la Parole de Dieu.
14 Le Seigneur, se cherchant un ouvrier dans la multitude du peuple,
adresse à tous cet appel :
15 Quel est l'homme qui veut la vie,
et désire connaître des jours heureux ?
16 Que si, à cette demande, tu réponds : « C'est moi »,
Dieu te dit alors :
17 Si tu veux avoir la vie véritable et éternelle,
garde ta langue du mal
et que tes lèvres ne profèrent pas de paroles trompeuses. Détourne‑toi du mal et fais le bien ;
cherche la paix et poursuis-la.
18 Et lorsque vous agirez de la sorte,
mes yeux seront sur vous
et mes oreilles attentives à vos prières ;
et avant même que vous m'invoquiez
je dirai : « Me voici .»
19 Quoi de plus doux pour nous, frères très chers,
que cette voix du Seigneur qui nous invite ?
20 Voici que, dans sa bonté,
le Seigneur lui‑même nous montre le chemin de la vie.
Commentaire Règle Prol 14-20
La vocation monastique est un appel au bonheur, un appel à la vie. Le Seigneur cherche des hommes qui aiment la vie et qui aiment le bonheur, la vraie vie et le vrai bonheur.
Dans le moments difficiles, souvenons-nous de cela (le Seigneur m’a appelé à la vie monastique pour me rendre heureux !) et ne faisons pas à Dieu l’injure d’être malheureux à son service.
La vraie vie pour saint Benoît c’est de vivre avec Dieu, en présence de Dieu, non pas de temps en temps, mais tout le temps et pour toujours.
La vocation monastique parce qu’elle est une recherche de la présence de Dieu est incompatible avec le mal et avec les paroles méchantes : on ne peut pas vouloir vivre en présence de Dieu et nourrir des pensées méchantes dans son cœur ou calomnier un frère ou encore répandre sur un frère des paroles qui sèment le trouble en communauté. De fait, la présence de Dieu suppose la recherche de la paix alors que la méchanceté nous trouble et nous éloigne du vrai bonheur, de la vraie vie et de la présence de Dieu.
Dans ce Prologue, Benoît ne parle que de cela, lutter contre la méchanceté et contre le mal. Celui qui mène ce combat entend à nouveau, comme lors de sa vocation, la même parole du Christ : « Me voici ! »
Cette parole du Christ, Benoît nous dit qu’elle est une invitation pleine de douceur, de tendresse et elle montre le chemin de la vie.
Soyons attentifs à la manière dont nous parlons les uns des autres, attentifs aussi aux pensées que nous nourrissons dans notre cœur vis-à-vis de tel ou tel frère (pensées de jalousie, de jugement, de dureté), il en va non seulement de l’unité de la communauté mais aussi de notre propre vie spirituelle.
21 Que la foi et la pratique des bonnes œuvres
nous disposent donc, comme une ceinture autour des reins,
à marcher en avant par les sentiers que nous trace l’Evangile,
afin que nous méritions de voir
celui qui nous a appelés dans son Royaume.
22 Si nous voulons habiter dans sa demeure royale,
il faut courir par la pratique des bonnes œuvres,
faute de quoi, nous ne pourrions y parvenir.
Commentaire Règle Prol 21-22
Benoît nous propose une image pour décrire le parcours de la vie monastique, l’image de la ceinture. C’est bien sûr une allusion à saint Paul dans l’Épitre aux Éphésiens, mais ici cette image sert à décrire le fait d’avancer. De fait dans le monde romain, le paysan portait une tunique sur laquelle était posé un tablier pour protéger la robe, la tunique. Et une ceinture attachait le tablier à la robe. C’est notre habit monastique actuel : le tablier est devenu au fil des siècles le scapulaire et la ceinture attache aujourd’hui la robe au-dessus de laquelle flotte le scapulaire. Mais, à l’origine, la ceinture maintenait le scapulaire collé à la tunique afin de pouvoir marcher et travailler plus facilement.
Or, cette ceinture qui permet de marcher c’est la foi et nos gestes d’amour nous dit Benoît. Le moine pour avancer dans la vie a besoin de croire et d’aimer.
La route nous dit Benoît c’est l’Évangile. Lorsque nous vivons l’Évangile, nous sommes assurés d’être sur les chemins du Seigneur et ce chemin nous conduit à Lui qui nous appelle ; si nous prenons ce chemin, un jour, nous le trouverons et nous le verrons face à face.
Cette route que nous prenons, ce n’est pas une marche tranquille et lente, c’est une course nous dit Benoît. Il nous dit même que si nous voulons le voir, le seul moyen (c’est-à-dire qu’il n’y en a pas d’autres), c’est de courir.
Benoît qui n’aime pas trop l’agitation et veut plutôt une vie organisée s’explique : courir dit-il, c’est aimer. L’amour est toujours urgent, celui de Dieu comme celui des frères. L’amour nous décentre de nous-mêmes et nous met toujours sur cette route de l’Évangile qui conduit au Christ. L’amour nous dérange, nous bouscule, nous sort de nos petites habitudes routinières.
Concrètement, l’amour neuf fois sur dix, c’est d’accepter l’imprévu, le service supplémentaire… et c’est pour cela qu’il nous oblige parfois à courir.
Ne rêvons pas trop d’une vie monastique qui serait toujours calme et paisible, ce ne serait pas la route de l’Évangile. La route qui conduit au Christ sollicite toujours notre cœur et nous dépossède de nous-mêmes.
On comprend alors pourquoi Benoît attache une telle importance à l’obéissance car l’obéissance nous bouscule toujours pour nous faire prendre cette route-là et nous sortir de nos petites impasses tranquilles qui nous arrangent mais ne mènent nulle part.
23 Mais interrogeons donc le Seigneur, en lui disant avec le Prophète :
Seigneur, qui habitera dans ta demeure ?
Qui se reposera sur ta montagne sainte ?
24 Après cette interrogation, mes frères,
écoutons le Seigneur qui nous répond,
et nous montre la voie qui donne accès à cette demeure, disant :
25 C'est celui qui marche sans tache et accomplit la justice,
26 celui qui dit la vérité du fond de son cœur,
qui n'a pas prononcé de paroles trompeuses,
27 qui n'a pas fait de mal à son prochain,
ni pris part aux discours injurieux contre lui.
28 C'est celui qui, sollicité par le diable malin,
le repousse, lui et ses suggestions, loin des regards de son cœur,
le met à néant,
saisit les premiers rejetons de la pensée diabolique
et les brise contre le Christ.
Commentaire Règle Prol 23-28
« Briser contre le Christ les pensées mauvaises ». Je m’arrête sur ce conseil de St Benoît.
« Qui habitera dans ta maison Seigneur » ? Benoît répond « celui qui, lorsque le diable lui suggère quelque chose, le repousse loin de son cœur, lui et sa suggestion, le réduit à néant, et s’emparant de ses petits (les pensées qu’il inspire), les écrase contre le Christ » (V 28).
Le Roc est le Christ comme le dit St Paul. (1Co 4).
Écraser nos pensées mauvaises contre le Christ, un conseil toujours actuel.
Dès que nous repérons en nous ce genre de pensées mauvaises, il faut les apporter à la lumière.
Ce qui trouble, les tentations de toutes sortes (la rancune, la jalousie, les rivalités, la mésentente), sont vaincues si nous prions pour la personne qui est l’occasion de cette pensée. Le Christ nous demande de prier pour nos ennemis, pour ceux qui nous persécutent.
Moines nous n’avons peut être pas beaucoup d’ennemis, ni de persécuteurs, mais les épines de scandales ne manquent pas dans la vie communautaire.
Prier pour les relations moins faciles, faire cesser les ruminations négatives, mettre la paix dans notre cœur, rétablir une communion entre nous.
Savoir parler de ces pensées mauvaises, c’est aussi une bonne façon de les apporter à la lumière. Souvent il suffit de parler pour que le trouble disparaisse.
N’oublions pas la Parole du Christ : « Laisse là ton offrande, va d’abord te réconcilier avec ton frère ».
29 Ce sont ceux qui, craignant le Seigneur,
ne s'enorgueillissent pas de leur bonne observance :
estimant au contraire que le bien qui se trouve en eux
ne procède pas d'eux-mêmes, mais est accompli par le Seigneur,
30 ils le glorifient de ce qu'il opère en eux,
et lui disent avec le Prophète :
Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous,
mais à ton Nom donne la gloire.
31 De même, l'apôtre Paul ne s'est rien attribué du succès de sa prédication,
lorsqu’il dit :
C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis.
32 Et il dit encore :
Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur.
33 C’est pourquoi le Seigneur dit dans l'Évangile :
Celui qui écoute mes paroles et les accomplit,
je le comparerai à un homme sage
qui a bâti sa maison sur la pierre.
34 Les fleuves ont débordé,
les vents ont soufflé
et se sont déchaînés contre cette maison,
mais elle n'est pas tombée,
car elle était fondée sur le roc.
35 Cela dit,
le Seigneur attend de nous
que nous répondions chaque jour
par nos œuvres à ces saints avertissements.
36 C'est pour l'amendement de nos fautes
que les jours de cette vie nous sont prolongés,
37 ainsi que le dit l'Apôtre :
Ignores‑tu que la patience de Dieu t’invite à la pénitence ?
38 Car notre miséricordieux Seigneur dit aussi :
Je ne veux pas la mort du pécheur,
mais qu'il se convertisse et qu'il vive.
Commentaire Règle Prol 29-38
Benoît nous a invité à mener le combat spirituel contre les mauvaises pensées en nous appuyant sur le Christ comme sur un rocher, en nous accrochant à Lui, etil nous promet un cadeau comme fruit de ce combat : l’acquisition de l’humilité. De fait, ce n’est pas nous qui allons remporter ce combat, c’est Lui qui va le mener en nous, il va nous faire grâce.
Benoît nous dit enfin ce que Dieu attend de nous, une seule chose très simple qui dépend de nous ; si nous refusons de la faire, le travail de la grâce en nous sera rendu difficile : « (…) que, jour après jour, nous répondions par nos actes à ses bons conseils ».
Ses bons conseils, il nous les donne d’abord dans la Lectio. Mettre en œuvre ce que nous entendons dans la Lectio. Il nous les donne aussi par le Père Prieur ou par le Maître des novices, lorsqu’après un échange, quelque chose est décidé et demandé. Le Seigneur nous donne aussi ses conseils par nos frères, mais aussi par les évènements personnels, familiaux, communautaires qui surviennent dans nos existences. Il dépend donc de nous de répondre par nos actes à ses bons conseils.
Saint Benoît nous dit que si le Seigneur nous laisse vivre sur cette terre et ne nous rappelle pas à Lui tout de suite, c’est justement parce qu’il veut que nous mettions en œuvre concrètement tous ses conseils. De cela il ressort un élément capital pour la vie spirituelle : Dieu est très patient avec nous. Nous ne devons jamais nous décourager et toujours accepter de repartir à zéro. En fait, le moine reste un novice toute sa vie, chaque jour, jour après jour dit Benoît il s’exerce à obéir à Dieu, il essaye, il échoue, il recommence. C’est ainsi que Dieu pourrra nous diviniser en nous rendant humble. Pour le Seigneur, l’humilité est mille fois plus importante que la vertu. Lorsqu’il nous appellera à Lui, nous ne serons pas forcément parfaits, mais il est important que nous soyons humbles. C’est ce travail de l’obéissance à Dieu par la médiation du Prieur, des frères, de la vie, qui rend humble et qui nous sauve dit Benoît. Le Christ veut nous sauver et Benoît cite ici le Prophète Ézéchiel : « Je ne veux pas la mort du pécheur, je veux qu’il revienne à moi et qu’il vive ».
39 Lors donc, mes frères, que nous avons interrogé le Seigneur
sur celui qui habitera dans sa demeure,
nous avons appris les conditions requises
pour y habiter ;
c'est donc à nous de remplir les obligations
qui incombent à cet habitant.
40 Il nous faut donc préparer nos cœurs et nos corps
à militer sous la sainte obéissance
aux commandements.
41 Quant à ce qui semble dépasser nos forces,
prions le Seigneur d'ordonner à sa grâce
de nous porter secours.
42 D'autre part, désireux d'échapper aux peines de l'enfer,
et de parvenir à la vie éternelle,
43 tandis qu'il en est encore temps,
que nous sommes en ce corps,
et que nous pouvons accomplir cela à la lumière de cette vie,
44 courons et faisons, dès ce moment,
ce qui nous sera profitable pour toujours.
45 Nous allons donc constituer une école du service du Seigneur.
46 En l'instituant nous espérons ne rien établir de rude ou de pesant.
47 Néanmoins, si, conformément à la règle de l'équité,
nous allons jusqu'à un peu de rigueur,
pour l'amendement des vices
et pour la sauvegarde de la charité,
48 garde‑toi bien, dans un mouvement de frayeur,
de fuir la voie du salut,
dont l'entrée est toujours étroite ;
49 en effet, à mesure que l'on avance dans la vie religieuse
et dans la foi,
le cœur se dilate,
et l'on court dans la voie des commandements de Dieu
avec la douceur ineffable de l'amour.
50 Ne nous écartant jamais de son enseignement,
et persévérant en sa doctrine dans le monastère
jusqu'à la mort,
nous participerons aux souffrances du Christ
par la patience,
afin de mériter d'avoir part à son Royaume.
Amen.
Commentaire Règle Prol 35-50
« Nous devons instituer une école pour apprendre à servir le Seigneur. Ce faisant, nous l’espérons, nous n’instituerons rien de dur, rien de pénible » (versets 45-46).
Une « école ». Le « Commentaire de la Source », dans le Prologue la Règle du Maître, nous montre que ce terme a son fondement dans l’Évangile, dans Mat 11,28-30 : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, je referai vos forces (…) Mettez-vous à mon école, je suis doux et humble de cœur ».
Nous connaissons ce passage magnifique du Maître qui est sans doute repris d’une catéchèse baptismale : des hommes dans le désert, assoiffés et épuisés par le poids de leur vie et de leurs péchés, voient une source et entendent une voix qui leur dit « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, je referai vos forces. » Ils vont à la source, ils se lavent et ils boivent. C’est une métaphore du baptême. Désaltérés, vivifiés, ils regardent leur bagage et ils se demandent comment pourraient-ils vivre désormais en hommes libérés du poids du péché ?
La même voix retentit une seconde fois : « Mettez-vous à mon école, je suis doux et humble de cœur ». C’est l’invitation à entrer au monastère.
Benoît ne reprend pas cette catéchèse baptismale du Maître, mais il garde le mot « école ». Le passage de Matthieu était très prisé dans la tradition monastique, on le trouve partout et souvent. Lorsque Benoît déclare vouloir fonder une école du service du Seigneur, tout le monde savait sans doute de quoi il parlait, tout le monde avait à l’esprit ce passage de Matthieu.
L’école que fonde Benoît, c’est donc une école où l’on apprend que Jésus est doux et humble de cœur, elle est faite non pas pour les bien-portants, mais pour les malades, non pas pour les justes, mais pour les pécheurs.
Elle est évangélique. Elle s’adresse aux hommes qui ont besoin d’être sauvés. Voilà pourquoi Benoît nous dit qu’il espère n’imposer rien de dur ni de pénible.
Cette voix qui crie dans la foule : « Quel est l’homme qui veut la vie ? » et à laquelle nous avons répondu « me voici », c’est la voix du Christ ; Benoît nous dit « qu’il n’y a rien de plus doux que cette voix du Seigneur qui nous invite » (Prol. 19). Il n’y a rien de plus doux que la voix de celui qui est doux et humble de coeur !
Douceur et humilité, ce sont les remèdes de Dieu pour faire vivre l’homme blessé, pour nous faire vivre, c’est ainsi que nous devons vivre les uns les autres en communauté et avec ceux qui viennent au monastère.
Par sa douceur et son humilité, Jésus nous fait connaître que Dieu est Père : « Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître encore, pour que l’Amour dont tu m’as aimé soit en eux, et moi en eux » (Jn 17,26).
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