TÉMOIGNAGE DE FELIX et GENEVIEVE BROU (PREMIERS OBLATS DU MONASTÈRE SAINTE-MARIE DE BOUAKÉ)




 TÉMOIGNAGE DE FELIX  et GENEVIEVE BROU (PREMIERS OBLATS DU MONASTÈRE SAINTE-MARIE DE BOUAKÉ)
Photos de Félix et Geneviève, Jean Vanier (Fondateur de l'Arche) et du P. Jean Decoville (moine de Bouaké)

 

Félix : J’ai connu le monastère Ste Marie en 1975 au moment de ma communion. Je suis baptisé depuis le 30/08/59, j’avais 7ans. Après ma confirmation à 25ans, le 7/08/77 le P. Alexandre Couture m'envoie faire une retraite.

Je rencontre Geneviève à cette retraite de Jean Vanier au Jeune Viateur en 1977. Nous nousmarierons le 02/06/79. A la retraite sur l’Esprit-Saint de Jean Vanier, ma question est la suivante : » je suis baptisé,  confirmé, je communie que dois-je attendre de plus ? Jean Vanier ne me répond pas. Il me laisse avec ma question comme pour m’aider à y répondre  moi-même.

Geneviève, engagée à l’Arche de Jean Vanier depuis peu, vit une expérience dans la vie avec l’Esprit-Saint qui l’a conduite en Côte d’Ivoire ; c’est elle qui répondra à ma question. Et la suite de notre chemin de vie ensemble est une réponse à ma question sur l’action de l’Esprit-Saint dans nos vies.

1.Chemins vers l’Oblature : Par la suite tous les deux nous étions engagés dans l’Eglise, Geneviève par sa présence au service de l’arche me soutenait dans  ma responsabilité à la paroisse. Une responsabilité dans le diocèse et au niveau national. Nous avions une activité intense  et des défis importants à relever, nous témoignions souvent de notre réalité conjugale de couple mixte dans différentes missions du diocèse. Les groupes de prière dont le premier est né à Bouaké se développaient rapidement et nous étions de plus en plus sollicités. Geneviève, avant notre mariage ; fréquentait elle aussi le monastère. J’avais peu de temps de recueillement et d’intériorisation dans la journée. Nous souhaitions une prière structurée en Eglise basée sur une tradition reconnue où nous pouvions  méditer, travailler la parole sous le regard attentif d’un frère aîné vivant d’une règle précise structurée visible en Eglise. Le monastère Ste Marie était un lieu favorable. Le Père Bernard P. nous voyait  vivre  une vie communautaire  près du monastère ; mais  cela était irréalisable…C’est le Père Albert qui nous a parlé de l’Oblature. Nous avons été écoutés, ensuite notre demande a été présentée à P. Etienne le prieur et la communauté.

Nous nous sommes engagés le dimanche 2/04/1989.Même si cet engagement reste individuel, personnel, il  vient consolider l’offrande, le don réciproque du sacrement du mariage et s’inscrit dans une autre dimension.

 2. Les fruits : Chemin faisant, nous avons découvert qu'au-delà de nos sécurités culturelles et patriotiques, notre conjugalité au cœur de la foi chrétienne nous relie à la source. Notre source  en tant que couple c'est l'Eglise, et notre lien d'attache à cette source c'est bien sûr notre première communauté: Notre couple chrétien n'existerait pas sans notre famille chrétienne qui pour nous représente bien plus que nos familles biologiques ; un lien tout autre. Geneviève a quitté la France en 1977 parce qu'elle s'est toujours sentie missionnaire ; c'est ce don  pour servir les plus pauvres qui nous a permis de nous rencontrer. Aujourd'hui à mon tour j’ai quitté la Côte d'Ivoire parce que notre  mission commune « du donner recevoir »n'a pas changée. C'est ce qui explique en partie notre choix du transfert de Bouaké à En Calcat. Nous n'habitions plus en C.I. Et notre oblature n'a de sens que si nous sommes rattachés à un monastère. En Calcat par son lien avec Bouaké répond à notre attente car c'est le monastère le plus en accord avec notre oblature d'origine(ste Marie de Bouaké). Depuis quelques années, nos deux monastères nous aident au renoncement à une réalité importante de notre vie. L'essentiel étant toujours préservé par la fidélité à l'Évangile. Cette fidélité à l'essentiel se traduit au quotidien par la prière avec les moines (une prière individuelle, personelle, conjugale et communautaire :

-Moi, je suis plus du matin, je me lève tôt pour prier les laudes de 6h20 avec les moines ; avec Geneviève, nous participons et vivons tous les deux l'Eucharistie quotidienne avec nos frères moines. À 18h nous retournons au monastère pour la prière des vêpres toujours avec nos frères moines. De façon exceptionnelle à l'occasion d'évènements importants tels (funérailles, grandes fêtes de saints ou fêtes religieuses et dédicaces), nous participons aux Vigiles. Nos échanges et notre attachement se renforcent par des temps forts liturgiques. Il y a aussi les moments  de retraites, les  journées bénédictines, des rencontres des moments de partages qui nous enrichissent.

Les moments de célébrations, de partages, d’écoutes sont des lieux d'approfondissement de notre double appartenance. Malgré les difficultés de la séparation avec nos familles, nos pays et nos racines culturelles, il est vrai que l'adaptation, l'adoption d'une autre culture, les difficultés de la vie  prennent un autre sens. Nous découvrons ensemble le sens de la vraie joie Chrétienne, de l'Espérance qui nous habite les belles célébrations  autour de la mort d'un frère moine, célébration de la VIE autour d’un défunt. La vie auprès de nos frères moines a une grande influence sur nos rythmes de vie. Notre proximité nous préserve du laisser- aller, de l'oubli. Nos journées s'enrichissent par la parole de Dieu, la lectio, les rites, les temps liturgiques bien marqués et bien suivis. Notre rapport à l'espace et au temps se trouve transformé par notre participation à la vie bénédictine. Des échanges très riches, réguliers ponctués par des rencontres si diverses .J'observe que depuis cinq ans j'ai rencontré encore plus de nationalités différentes qu'en vingt-trois ans de vie en France. Je n'ai jamais été aussi près de l'Afrique depuis que nous vivons à Dourgne et fréquentons régulièrement En Calcat. Je les rencontre lors des retraites de différents diocèses, de pèlerinage, de visites pastorales et touristiques etc...

L'oblature est une chance pour nous et pour l'Eglise. L’Espérance que porte les monastères auxquels nous sommes rattachés passe à un niveau plus humble par nous. Comme Oblats, nous nous situons dans la droite ligne de notre baptême. Baptisés, notre  quête d'une vie  plus grande et plus large en Dieu ; notre route vers la sainteté  trouve dans cette « alliance »une profonde Union au Christ à l'école de saint Benoît. Un exemple de service dans la communion à nos frères :-récemment à l'occasion des vœux d'un frère, celui-ci nous a demandé de faire la procession de l'offrande à la messe; notre participation, nous a conduit du fond de l'Eglise à la table Eucharistique, au cœur de la célébration dans la communion avec nos frères. A 16h, nous étions conviés à un goûter partagé avec quelques moines. Cette vie de partage dans la communion est précieuse pour nous. Des moines nous disent quelques fois  qu'ils apprécient notre présence et notre soutien.

Nous voulons rendre grâce à Dieu pour ces partages et ces échanges fraternels qui nous éduquent sur des sujets comme l’autorité au service de la communauté ; de la paternité de Dieu le Père par notre père saint Benoît qui fait de nous : Fille et Fils universels. Notre vie ici à l’ombre du monastère à l’écoute de la sagesse, de l’humilité bénédictine dont témoignent autant d’anciens pères abbés que nos frères moines. Une présence réciproque, précieuse qui nous encourage à poursuivre notre chemin de croissance dans la vie divine par la pratique de la lectio divina, la préparation aux temps forts liturgiques à travers la liturgie, les offices, l’Eucharistie ; comme acteurs et non spectateurs de notre vie chrétienne. Le prolongement de notre désir de Vie, de croissance dans la vie humaine d’abondance dans la vie divine réelle chaque jour. La construction de l’unité pour vivre l’unité dans la maturité spirituelle de notre couple. Tout ceci en dehors de l’esprit de prestation, de compétition du monde agité, bruyant. Nous sommes en route vers le but final sous le regard bienveillant de notre accompagnateur spirituel, tenir bon, persévérer, pardonner lorsque c’est nécessaire. Notre dialogue conjugal devient trilogue car nous ne sommes plus deux mais trois. Tout cet ensemble : règle, frère accompagnateur, vie de prière nous aide à prendre du recul par rapport à nos imperfections à mieux nous connaître pour connaître l’autre, l’accueillir  dans la conjugalité, au-delà du couple nous ouvrir à d’autres croyances, cultures, religions. Une démarche d’insertion dans un monde difficile, quelque fois hostile où les racines du mal, division, haines, crimes, conflits de tous genres sont à nos portes ;au-dedans de nous. Chrétiens, oblats pour guérir, vivre de la culture de l’Amour universel, le vrai. Notre couple ivoiro-français cultive construit son appartenance à la famille bénédictine ; une appartenance réelle, vraie et véritable révélation de l’Amour divin du Christ qui habite nos cœurs.