Les antiennes « Ô » du Magnificat du 17 au 23 décembre

Les antiennes « Ô » du Magnificat du 17 au 23 décembre
Lors du retour de l’exil à Babylone, les juifs pieux récitaient chaque jour 18 antiennes primitives en rapport direct avec l’Histoire Sainte. Elles commençaient par l’exclamation « O » et conféraient un titre permettant de faire mémoire de l’action de Dieu en faveur de son peuple.
Il se trouve que la liturgie chrétienne semble avoir conservé ce procédé judaïque, et c’est ce que nous trouvons dans la liturgie de la « Semaine Préparatoire à Noël », et en particulier les sept antiennes que l’on chante au moment du Magnificat, à Vêpres. En s’enracinant sur des citations assez précises, issues soit des grandes prophéties vétérotestamentaires, soit des livres sapientiaux, on y dévoile les « titres » de Jésus-Christ, sans nommer une seule fois son nom. Il faudra attendra le jour de Noël pour le voir apparaitre.
Ces titres qui dévoilent pas à pas le « Nom » de Jésus ont un double intérêt : non seulement de donner sens à la naissance historique de Jésus de Nazareth, mais déjà de donner sens à la mission eschatologique de Jésus le Christ. Les antiennes semblent nous aider à reconnaitre, à travers l’humanité de celui qui va naître, le Fils de Dieu et sa mission selon la Volonté du Père.
Il est fait mention explicite d’un cycle d’antiennes lors du cinquième Concile de Tolède en 636. Ce dernier a été jusqu’à exiger le chant de ces antiennes pendant l’octave de l’Annonciation, qui à cette époque était célébrée huit jours avant Noël. C’est de ce rythme hebdomadaire que proviendrait le septénaire d’antiennes. Ce cycle d’invocations semblerait donc dater du VI-VIIème siècle et on les attribue volontiers au pape saint Grégoire le Grand (540-604). Si l’attribution à saint Grégoire le Grand est contestable, on est sûr qu’elles ont trouvé naissance dans la proximité et la tradition romaine.
Les sept antiennes se chantent donc au moment de l’office des vêpres, encadrant le cantique évangélique du Magnificat. Elles commencent le 17 décembre et vont jusqu’au 23 décembre. Le 24 décembre étant un jour transitoire puisque dès le soir commence la solennité de la Nativité. Chaque antienne commence par « Ô » et lance un cri au Christ « Viens ! »
Voici les 7 titres christologiques en latin, et dans l’ordre du 17 au 23 décembre : Sapientia, Adonai, Radix, Clavis, Oriens, Rex, Emmanuel.
Pour le 17 décembre: « « Ô Sagesse, sortie de la bouche du Très-Haut, qui enveloppez toutes choses d’un pôle à l’autre et les disposez avec force et douceur, venez nous enseigner le chemin de la prudence ». C’est un ensemble de trois citations provenant du Livre de l’Ecclésiastique (Eccl 24,3), de la Sagesse (Sg8, 1), des Proverbes (Pr 9, 6). Jésus est présenté comme celui qui nous ouvrira la bouche pour nous donner la Parole même de Dieu.
Pour le 18 décembre: « Ô Adonaï, guide du peuple d’Israël, qui êtes apparu à Moïse dans le feu du buisson ardent, et lui avez donné vos commandements sur le mont Sinaï, armez votre bras, et venez nous sauver ». Il s’agit d’une compilation de quatre extraits de Livre de l’Exode : Ex 6,2 ; Ex 3,2 ; Ex 20 ; Ex 15, 12-13. Toute cette antienne est une interprétation christologique de l’épisode du Buisson Ardent. L’humanité de Jésus est le nouveau Buisson Ardent où à travers ses mots on peut y entendre la Parole même du Père, grâce au don de l’Esprit.
Pour le 19 décembre: « Ô Racine de Jessé, signe dressé devant les peuples, vous devant qui les souverains resteront silencieux, vous que les peuples appelleront au secours, venez nous délivrer, venez, ne tardez plus ! ». C’est une compilation de trois extraits : deux du livre d’Isaïe (Is 11, 10 et Is 52, 15) et du livre d’Habacuc (Hab 2, 3). Ce titre reprend la position lucanienne et mathéenne de proposer une généalogie de Jésus-Christ. C’est la généalogie qui permet de montrer que Jésus assume tout l’histoire, qu’il est le Sauveur de toute l’humanité, et créateur avec le Père depuis l’origine.
Pour le 20 décembre: « Ô Clef de David, et sceptre de la Maison d’Israël, vous ouvrez, et personne alors ne peut fermer ; vous fermez, et personne ne peut ouvrir ; venez, et faites sortir du cachot le prisonnier établi dans les ténèbres et l’ombre de la mort ». C’est une synthèse de trois citations : du livre d’Isaïe (Is 22, 22), une évocation du livre de la Genèse (Gn 49, 10), et une réécriture du Psaume 107 (Ps 107, 10-14). Cette allusion généalogique davidique fonde la dimension messianique de Jésus-Christ, prophétisé par Isaïe. Il est la clef de toute cette généalogie, car le Messie se devra d’être un libérateur. Il est la clef de toutes nos histoires familiales.
Pour le 21 décembre: « Ô Orient, splendeur de la Lumière éternelle, Soleil de justice, venez, illuminez ceux qui sont assis dans les ténèbres et la nuit de la mort ». La compilation se fait à partir de 6 citations extraites des livres de Zacharie (Zach 3, 8), de Jérémie (Jr 23, 5), de la Sagesse (Sag 7, 26), de Malachie (Mal 3, 20), d’Isaïe (Is 9, 1). Mais également à partir de l’évangile selon saint Luc (Lc 1, 79). La composition de cette antienne est une allusion directe au Cantique de Zacharie, présentant Jésus-Christ comme la lumière qui se lève en Orient et qui va venir visiter et dissiper les ténèbres non seulement de l’ignorance par l’annonce de Royaume, mais de la mort par la Résurrection.
Pour le 22 décembre : « Ô Roi des nations, et de leur désir, pierre angulaire, qui en fait un seul, viens, et sauves l’homme que tu as formé du limon». Il s’agit d’une citation du livre de Jérémie (Jr 10, 7), du livre d’Aggée (Ag 2, 7), du livre d’Isaïe (Is 28, 16), mais également de la Lettre de saint Paul aux Ephésiens (Eph 2, 14). Cette antienne présente l’ouverture du Salut pour tous, et non uniquement à un peuple élu. Nous retrouvons déjà la nouveauté singulière de Jésus-Christ concernant l’interprétation du messianisme : un salut pour les juifs et pour les païens dont le récit de la Pentecôte en est un vecteur principal.
Le cycle se termine par l’antienne du 23 décembre qui pour la première fois donne un prénom en disant : « Ô Emmanuel, notre roi et législateur, attente des nations, et leur Sauveur, viens pour nous sauver, Seigneur notre Dieu ! ». On a là une synthèse faite à partir du Livre d’Isaïe (Is 7, 14 ; 33, 22 ; 37,20), du Livre de la Genèse (Gn 49, 10), ainsi que l’Evangile selon saint Jean (Jn 4, 42). C’est avec cette antienne que l’on retrouve l’interprétation chrétienne des prophéties de l’Ancien Testament. Il n’y a que les chrétiens pour reconnaitre à la fois un Seigneur et un Dieu dans la personne de Jésus-Christ, à l’image de la confession de foi de saint Thomas le huitième jour après la Résurrection : « Mon seigneur et mon Dieu » (Jn 20, 19-31).
Ces sept antiennes, et en particulier avec la formule litanique du « veni », sont un appel aux sept dons de l’Esprit Saint. Se préparer à la venue du Seigneur s’accompagne d’une préparation à la venue de l’Esprit. Si nous partons des Actes de Apôtres, les récits de l’Ascension et de la Pentecôte placent les disciples dans une double attente. Celle de l’Esprit Saint et du retour du Christ. L’attente de la Pentecôte a un caractère eschatologique.
La liturgie, en faisant mémoire d’un mystère passé qui s’actualise dans le présent, attend sa pleine réalisation dans les temps à venir. Avant chaque avènement de Jésus-Christ : il y a « attente des disciples », « effusion de l’Esprit », « ouverture de l’intelligence », « ouverture de lèvres pour rendre grâce et annoncer ». C’est dans l’Esprit que nous attendons l’avènement du Christ. C’est par l’Esprit que nous pouvons comprendre le sens des titres que l’on confère à celui qui va venir, et ainsi comprendre les Ecritures. C’est par l’Esprit que nous pouvons chanter et invoquer ce « veni ». C’est par l’Esprit que s’accompliront pour nous, toutes les promesses contenues dans les titres christologiques de ce cycle.
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